Albert Helly, notre chroniqueur de la rubrique Arts et Lettres, qui vient de passer deux mois et demi en Chine (3 mars-15 mai 2012) nous ouvre les pages de son journal de voyage. Il propose aux lecteurs du Forum de le suivre au jour le jour dans ses pérégrinations au pays du Milieu, de leur faire partager son emploi du temps, ses rencontres, ses impressions, ses émotions. Un témoignage sur le vif d'un ami de la Chine et de sa culture.
Dimanche 4 mars 2012.Je suis arrivé à Kunming, capitale du Yunnan, dans la nuit à 1h 30, au lieu de hier 15 h.
Rien de grave, un peu de fatigue en plus, mais sans mon sac de voyage qui est resté à Hong-Kong.
Je devrais le recevoir aujourd'hui.
Je loge chez Estelle Achard, de Grenoble, guide et organisatrice de voyages dans le Yunnan, spécialiste des minorités chinoises, et des marches tibétaines du Yunnan. Elle a le projet de créer des chambres d'hôtes dans un hameau tibétain de la région de Shangrila, à la limite du Tibet et du Sichuan.
Cet après midi, je suis allé à l'aéroport pour rien : l'heure donnée au téléphone n'est pas la bonne et il faut venir 2 h après l'atterrissage. Je reviendrai demain matin.
J'y suis allé sur une moto taxi clandestin(黑车 "hēi chē")qui s'arrêtait loin des feux rouges, pour ne pas être vue avec les autres.
Je me suis promené en ville, il y a grande foule dans le centre car c'est dimanche, les jardins sont pleins de monde. De nombreux groupes dansent, jouent de la musique, surtout des retraités. Beaucoup de petits vendeurs déballent leur marchandise sur les trottoirs, tout en surveillant la police, et prêts à replier leur ballot, une masseuse a installé son pliant, elle fait le même massage assis que moi.
On sent que les gens complètent leurs revenus comme ils peuvent.
Il ne fait pas chaud et mes vêtements sont dans mon sac de voyage que je n'ai pas récupéré.
Ma colocataire est sympathique et me rend service volontiers. Je n'ai pas encore fait de courses, et je mange dans un "restaurant" de bord de rue.
Lundi 5 mars.J'ai récupéré ce matin mon sac de voyage, j'étais vraiment content. En fin de matinée nous avons fait les courses au marché avec Céline la colocataire, légumes et viande, riz et nouilles chinoises. Les prix sont ceux des étrangers, ils restent peu chers.
J'en prends plein les yeux de ce curieux mélange d'extrême richesse et d'extrême pauvreté : immeubles et voitures super luxe et petites gens qui travaillent comme des fous dans les pires conditions.
Cet après-midi j'ai marché trois heures, jusqu'au centre ville ultra moderne et piéton. Je suis passé devant l'hôpital des enfants et son pavillon de médecine chinoise traditionnelle. Sur une place j'assiste à une campagne publicitaire pour le don du sang. Dans la principale rue piétonne les masseurs aveugles, en blouse blanche, installent leur chaise, attendent le patient et massent en plein air, au yeux de tous. Je repense au roman de Bi Feiyu "Les aveugles", qui nous plonge dans le monde des masseurs non voyants, et c'est nous qui sommes perdus.
Puis retour par le vieux quartier, au sud de la préfecture. Dans une vieille rue déserte (sans vendeur de bibelots pour touristes chinois), à l'intérieur d'une demeure traditionnelle un peu délabrée, je découvre un vannier fabriquant des lanternes et des dragons articulés en lamelles de bambou, ligaturées avec des bandes de papier journal, magnifique ! Les tigres et les dragons de papier sont sortis pour le nouvel an chinois, brandis au bout de perches de bambou, on les fait danser dans la rue puis on les brûle à la fin de la fête. Ils peuvent atteindre 12 mètres de long.
En rentrant j'ai revu le petit jardin clos et son temple où les gens jouent au majong et chantent l'opéra chinois.
Liens :
Estelle Achard
Les aveugles