Un tableau complet de la société chinoise, de la difficulté de vie et de survie pour les gens modestes en Chine, au moment de la crise économique de 2008-2010
"La scène clé de ce film illustrant mon propos montre les hautes tours résidentielles inoccupées le long du fleuve, contrastant avec les cheminées des usines sur le point de fermer, situées sur la rive opposée. »
Une famille recomposée dans une ville industrielle chinoise. Lorsque les hospitalisations du père deviennent de plus en plus fréquentes et coûteuses, toute la famille se trouve ébranlée. La mère enchaîne les petits boulots et se démène pour trouver de l’argent, la grande soeur décide de travailler secrètement dans un bar et Lin, le petit frère, stigmatisé par la maladie de son père et rejeté par ses camarades, fuit l’école et se réfugie dans un monde rêvé, un monde fantasmatique, un monde de fantaisie. »
L’action du film est datée par le reportage des médailles chinoises lors des Jeux Olympiques de Pékin en 2010.
voici les différents thèmes qui illustrent ce tableau :
le développement des villes industrielles avec les quartiers riches et les quartier misérables.
la crise économique et restructuration industrielle des années 2008-2012
la famille recomposée, très fréquente en Chine
la situation de la femme qui prend tout à sa charge et supporte tout
le système de santé inexistant
la solidarité familiale
l’économie parallèle (le bateau au bord du fleuve)
le trafic des enfants de la campagne (la jeune fille du bateau)
la prostitution des jeunes filles pour survivre
ceux qui réussissent et les laissés pour compte
L’adolescent se réfugie dans le rêve en quittant l’école, trouve quelques moments de joie auprès d’une jeune fille inconnue, mais c’est pour mieux retomber dans une réalité sordide, celle de la vente des enfants de la campagne.
Pour ce tableau naturaliste de la société chinoise, Wang Chao réserve une franche luminosité (et encore!) pour les scènes d’extérieur, la ville et les rives du fleuve, décrivant l’apparence de la société. Toutes les scènes concernant chaque personnage de la famille et son vécu personnel, sont traitées dans une lumière bleu-vert froide, triste, notamment les scènes d’hôpital.
Mais ce qui est le plus frappant c’est l’utilisation récurrente des « surcadrages »
L’artiste utilise des lignes droites et perpendiculaires pour créer un certain nombre de cadres, plus petits, à l’intérieur du cadre initial.
Ainsi les personnages semblent emprisonnés dans un espace encore plus restreint que le réel, illustrant la situation de cette famille prise dans un étau inexorable.
Le surcadrage dans une image pose aussi de manière plus forte la question de la place du spectateur.
Dans le film ces surcadrages correspondent souvent à un moment où l’un des personnages découvre ce que vit un autre membre de la famille. C’est alors nous spectateurs, qui observons le personnage découvrant ce que vivent les autres.
La fin est volontairement équivoque, à chacun de choisir l’issue.
Par l’opposition violente de la lumière et des cadrages entre vie extérieure et vie familiale, entre vie collective et vie personnelle, Wang Chao porte un regard éminemment pessimiste sur la société chinoise des années 2010 et la difficulté de vivre des gens modestes. Face à la dégradation de la société, chacun tente de garder sa dignité dans sa vie intérieure.