| Pang Bangben, âgé de 77 ans, est en Chine, un peintre reconnu, ancien éditeur et dessinateur de "lianhuanhua" (la bande dessinée chinoise). Il a notamment publié, dans les années 1980, "Si c'était demain", "Le masque d'argent". Au sein de l’Association des Artistes chinois, il dirige un Comité, composé de 20 personnes, des éditeurs, des entrepreneurs, chargé de la bande dessinée, du film d’animation et du jeu vidéo, afin de discuter des orientations des œuvres destinées à la jeunesse. Il a été primé en 2011 à la Biennale d'Art Contemporain de Florence.
Conférence de Pang Bangben à Grenoble, à l'occasion des "5 jours de la BD :
Les origines |
Les premières illustrations de livres remontent à la découverte de l'imprimerie sur tablettes de bois, sous la dynastie des Tang (618-907). Une image était gravée au début de chaque chapitre. Plus tard, sous les Song (960-1279), l'essor d'une civilisation urbaine plus riche favorise la publication de romans, contes et pièces de théâtre où le texte de chaque page est accompagné d'un dessin. Puis plus tard encore est réalisé l'équilibre entre texte et images.
1920-1937
Mais c'est à Shanghai en 1920 qu'apparaissent les vrais Bandes Dessinées, dans de grands ateliers, avec une organisation du travail bien définie. Les grands maîtres dessinent les personnages principaux, le reste est laissé aux dessinateurs apprentis. Les publications sont donc créées très rapidement, les sujets traités sont tirés de pièces de théâtre, mais il y a aussi des histoires de Wuxia (kunfu) et des histoires d'amour. Certaines sont imprimées à plusieurs centaines de milliers d'exemplaires.
Ces ouvrages de petit format sont proposés à la location dans la rue par des étalagistes, pour un prix dérisoire : l'équivalent d'un centime pour une heure de lecture, et pour 1 € on peut emporter un ouvrage chez soi jusqu'au lendemain ! Ces étalagistes ont, en ces temps d'illettrisme du peuple chinois, fortement contribué à promouvoir la culture et la langue chinoises, délaissées pendant la première guerre sino-japonaise.
C'est en 1927 qu'apparaît pour la première fois le terme de "lianhuanhua", ("images enchaînées").
Puis en 1935 naît "San Mao" (littéralement "Trois Poils"), orphelin des rues de Shanghai, débrouillard et sans ressources. Cette série et son personnage sont très populaires car ils symbolisent la société chinoise de l'époque, la solidarité et les relations sociales entre chinois, victimes des japonais.
Pour son style, très sobre et concis, elle ressemble à la caricature étrangère.
1949 : instauration de la République Populaire de Chine.
Dès 1930 les intellectuels comme Lu Xun avaient bien compris le rôle de communication que pouvait remplir les lianhuanhua. En 1949 ces livres de petit format bénéficient d'un soutien de plus en plus grand de l'état et ont pour mission, tout en étant très surveillés, de développer la culture, les arts, les nouvelles idées politiques et de faire évoluer les mentalités dans la vie quotidienne. Moi-même je me souviens d'avoir publié une histoire ayant pour but de libérer l'institution traditionnelle du mariage. Les lianhuanhua ont eu à cette époque une grande influence sur les idées. Les auteurs pouvaient devenir très riches, une page était payée 18€, alors qu'un ouvrier gagnait 30-40€ par mois. Pour moi, comme pour les autres peintres à l'huile, la BD était notre gagne pain. En 1951 apparut la revue mensuelle spécialisée "Lianhuanhua bao" qui était publiée à plus de 2 millions d'exemplaires.
La Révolution Culturelle
Tout ce qui avait été édité jusque là fut détruit, les auteurs furent envoyés "à la campagne" pour être rééduqués. Seuls quelques lianhuanhua, inspirés des 7 "opéras révolutionnaires", furent autorisés à paraître, le nom des dessinateurs n'apparaissait pas.
Les années 1980-1990
Le marché de l'art fut libéralisé, la BD chinoise connut un grand renouveau. C'est à cette époque que j'ai publié "Si c'était demain", puis de nouveaux auteurs sont arrivés, comme He Youzhi, avec "Mes années de jeunesse" et Wang Kewei, annonçant les nouvelles tendances, essayant de s'extraire de l'héritage de la peinture chinoise traditionnelle.
Wang Kewei - Planche de Lianhuanhua 1990-2000
Ce fut l'arrivée désolante des Mangas, complètement liés à la culture japonaise, et des jeux vidéos, du numérique. La BD chinoise fut en pleine récession.
Aujourd'hui
Devant cette situation le gouvernement a instauré un "Bureau" chargé du développement de la Bande Dessinée. Des universités spécialisées furent créées pour enseigner l'art de la BD, ainsi chaque année se sont plus de 40 000 étudiants qui se lancent dans ces cursus. Mais nos auteurs sont encore trop influencés par la peinture traditionnelle chinoise. En Europe, chaque dessinateur a son style personnel, ce n'est pas encore le cas pour nos jeunes auteurs, ils doivent encore travailler pour le trouver.
Li Kunwu
"Une vie chinoise"