L'effervescence de l'immigration chinoise – Partie 1"L'immigration chinoise à la Réunion commence en 1844. Elle ne sera jamais massive, et ne deviendra continue qu’après la première guerre mondiale", explique Dominique Durand, dans son ouvrage "Les Chinois de La Réunion".
Les premiers Chinois foulent le sol réunionnaisConsidérés comme des hommes robustes, travailleurs et sociables, les négociants de Saint Denis décident de recruter des Chinois pour pallier le manque de main d'œuvre suite à l'abolition de l'esclavage. Les deux négociants s'adressent au gouverneur de l'île Bourbon (ancien nom de L'île de la Réunion) et lui demandent de "contracter des engagements en vertu desquels les Chinois s'obligeraient pendant cinq ans à cultiver la terre et faire les autres travaux qu'exige l'industrie agricole de la colonie, et seraient soumis aux lois, ordonnances, arrêtés et règlements en vigueur ou qui pourraient être faits, moyennant des salaires qui seraient convenus avec eux et payés tous les mois, et en outre la nourriture, le logement et les soins".
"L'une des premières photos d’engagés chinois à La Réunion",
Dominique Durand, "Les Chinois de La Réunion", Edition Australes, 1981, p.12Suite à cette demande, le gouverneur décide d'en référer au directeur de l'intérieur. La décision sera prise le 10 novembre 1843, le gouverneur autorise "l'importation de 1.000 laboureurs chinois", mais il stipule clairement dans sa missive, qu'il ne s'agit pas d'une mission militaire, mais de "créer des rapports d’amitié".
Cinquante-quatre Chinois sont recrutés en mars 1844, ils débarquent à La Réunion, le 13 avril 1844. Parmi cette cinquantaine d'hommes, trois noms déformés et leurs numéros de matricule : Leong Aon (matricule 1561), Co Chong Saing (matricule 1565) et Theong Ah Chang (matricule 1624). Hormis quelques clichés retrouvés par les historiens, ces 54 premiers Chinois ne resteront dans l'histoire que pour avoir été "plus robustes que les Indiens, plus amis du travail et plus disciplinés que les nègres d’Afrique, l'esprit d'ordre et de régularité, le génie pratique qui convient aux affaires".
Cliquez sur le texte pour l'agrandirRapport du Capitaine de corvette, commandant "L'héroïne" 1706/1843La révolte des engagésAprès leur arrivée, la plupart des engagés chinois n'acceptent pas les mauvaises conditions et traitements réservés aux travailleurs à Bourbon, considérés comme des esclaves. Ils décident de se rebeller. En 1846, l'Administration coloniale arrête le recrutement des Chinois, qu'elle considère comme "mauvais travailleurs", après les actes de révolte et de violence contre les propriétaires, régisseurs, contremaitres, et maitres.
De nombreux cas de maltraitance (malnutrition, violence physique, travail sans pause, contraint de travailler même malade) sont dénoncés par les Chinois qui travaillent dans les plantations ou maisons. En effet, "les termes de l’engagement auquel ils ont souscrit (…) ne sont pas respectés". Les engagés chinois décident de se rebeller, et font usage de la force, notamment en incendiant certaines maisons. «À la veille de l'abolition de l'esclavage (20 décembre 1848), le feu est une des armes utilisées par les Chinois qui veulent se faire respecter par leurs employeurs "emprofiteurs". Ce fait est source de tellement de problèmes qu'il est soulevé et analysé par le procureur général Barbaroux dans la séance du Conseil privé du gouverneur le 21 janvier 1848.»
Face à cette révolte, la justice coloniale tente de réprimer les Chinois, mais sans y parvenir, parce que l'esprit de solidarité qui règne entre les Chinois contraint le pouvoir à mettre en place une nouvelle législation, plus répressive afin de les soumettre.
L'immigration "libre" des ChinoisEn 1862, un décret est édité permettant à tout étranger de s'engager librement comme travailleur à La Réunion. Plusieurs centaines de Chinois originaires des provinces du Sud de la Chine (Guangzhou), quittent leur village natal pour La Réunion. Arrivés seuls, ils obtiennent des permis de séjour renouvelables. Agés de 12 à 60 ans, dont une grande majorité de trentenaires s'installent, et deviennent propriétaires.
Cette arrivée massive de Chinois à La Réunion, mais également dans l'Océan Indien, est due à l'occupation étrangère en Chine. Le 24 octobre 1860, l'empereur Xianfeng s'incline et signe la Convention de Pékin, qui accorde des indemnités rocambolesques aux Occidentaux. L'empereur permet l'ouverture de certains ports stratégiques de Chine aux commerçants étrangers et à leurs missionnaires. Il concède aux Britanniques un agrandissement de leur colonie de Hong-Kong. Cette colonisation pousse de nombreux Chinois à fuir la Chine, et à trouver refuge dans les pays voisins, comme La Réunion.
A suivre …
Céline Tabou pour Chine et Francophonie