Intégrés mais mal acceptésAprès être parvenus à s'installer à La Réunion, les Chinois de l'île ont débuté une nouvelle vie. Commerçants ou colporteurs, ils suscitent la jalousie et la malveillance de la part des médias et des natifs, en raison de leur réputation de travailleurs, de leur modestie de train de vie, et de leur patience.
Rejet des Chinois par les CréolesDès 1894, le nombre de commerces chinois s'accroît et les tensions avec les commerçants créoles vont débuter. La mauvaise réputation des travailleurs agricoles chinois, jugés « paresseux, voleurs, et parfois même incendiaires », va longtemps desservir les immigrants chinois. Les journalistes du journal « La Patrie Créole » citent les déclarations de certains natifs, qui accusent les Chinois: « Ils nous pillent, ils nous volent, ils nous empoisonnent ». Dominique Durand reprend également un écrit d'Elboeuf publié dans le quotidien: « La monopolisation du commerce entier de l'île grandit tous les jours, dans leurs mains, sans qu'une parole éclairée, sans qu'un de ces hommes ayant reçu le mandat d'être nos protecteurs, proteste de toute son énergie contre cette nouvelle invasion du péril jaune ».
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Cette déclaration reflète le niveau d’animosité envers les Chinois. Celle-ci ne va pas s'atténuer avec les années. Certains Créoles en appellent à la justice pour « faire quelques exemples sévères, à frapper comme il convient ces étrangers d’une délicatesse plus que douteuse, et qui ne viennent chez nous que pour exploiter indignement ou ruiner ceux qui ne les accueillent qu’avec trop de bienveillance ».
Au début des années 1920, des Créoles tempêtent contre les commerces chinois, et d'autres plus « réalistes » admettent qu'il n’y a pas de concentration de commerces chinois, que les Créoles sont aussi avantagés par les banques que les Chinois, et que les taxes sont les mêmes pour tous. C'est alors que la question du racisme des Créoles chemine dans l'opinion publique et les médias. En effet, les Chinois ne sont pas les seuls à subir les critiques des Créoles, les Arabes ont également droit à toutes sortes d’accusations.
Création d'une Chambre de Commerce Malgré les critiques, certains Chinois décident de s'organiser. En 1915, Akwon Lawson fonde une association sous le nom de « Chambre de commerce chinoise de l'île de La Réunion ». L'objectif est « d'étudier et de défendre les intérêts économiques et commerciaux de la Colonie, de régulariser les opérations commerciales auxquelles se livrent ses membres, d'encourager les relations commerciales avec la République de Chine, de défendre et protéger les intérêts généraux, individuels et particuliers de ses membres ».
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Les statuts de l’association sont rejetés par le gouverneur en février 1916, car la nomination de l'association revêt un caractère officiel, qu'elle ne possède pas. Après avoir changé les statuts, Akwon Lawson parvient à faire inscrire son association en juin 1916, sous le nom de « Chambre de commerce chinoise de l'île de la Réunion », qui sera reconnue et inscrite par le gouvernement de Nankin et l'Association Nationale des Chambres de Commerce de Chine. L'association de M. Lawson deviendra l’ambassade de la République de Chine à La Réunion, la première.
En dépit des efforts réalisés dans la presse et auprès de l’opinion publique créole, les Chinois restent sujets aux critiques et aux accusations, notamment en ce qui concerne l’alcool frelaté, les aliments avariés … La société réunionnaise rejette les Chinois, et ces accusations prennent alors un tournant judiciaire conséquent …
A suivre
Céline Tabou pour Chine et Francophonie
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