A Meylan (Isère), un couple franco-chinois a été interdit de mariage sur opposition du père du jeune homme. Il a fait jouer un article vieux de deux siècles figurant dans le Code Napoléon. Stéphane et Mandy n'ont pas du tout l'intention d'attendre une année de plus pour passer devant M.le maire. Pour eux, les vœux de nouvel an sont tout trouvés.
Il fallait être un procédurier hors pair pour s'opposer au mariage de son fils en invoquant le Code Napoléon. C'est pourtant ce qu'ont fait les parents de Stéphane Sage, 25 ans, ingénieur grenoblois, qui devait convoler « en justes noces » avec Mandy, 27 ans, de nationalité chinoise. Napoléon s'y est opposé.
Cet argument de droit, toujours en vigueur, a laissé pantois les magistrats autant que les avocats du barreau de Grenoble. Il faut dire que l'opposition au mariage est un fait rarissime. Qu'on le fasse en invoquant l'article 173 du code civil de 1803 (1) , qui passe par dessus le Procureur, est plus que rarissime. Cette démarche a été engagée dans le respect de la procédure : un huissier a signifié l'opposition en bonne et due forme au tribunal, aux fiancés ainsi qu'à la mairie, les bans, qui avaient été publiés, ont été retirés, la cérémonie de mariage, prévue le 13 novembre 2010 annulée. Les alliances sont restées dans leur écrin, la robe de mariée dans son carton. Les 50 invités étant sur place, la noce a tout de même eut lieu mais sans passer par la mairie.
La part des préjugés
En droit, la première personne pouvant s'opposer à une union civile n'est autre que le Procureur de la République. Viennent ensuite les familles des mariés : parents, frères et soeurs, cousins et cousines, oncles et tantes...
Les principaux motifs pour une opposition à un mariage peuvent reposer sur le caractère fictif de l'union (ce que l'on appelle désormais mariage gris (2) ou sur l'absence de consentement de la part de l'un des membres du couple. Par contre, on ne peut pas s'opposer à un mariage en évoquant la religion : c'est un paramètre qui n'est pas recevable aux yeux de la loi. Un ex-époux ou une ex-épouse de l'un des mariés ne peut pas non plus faire opposition.
Dans ce cas précis, il semble que ce soit avant tout l'origine géographique de la fiancée qui ne plaise pas aux parents. Mandy (Man Sin Ma pour l'état civil) est une Chinoise de Hong-Kong qui travaille dans le marketing après avoir suivi une partie de son cursus à Grenoble où elle a rencontré Stéphane.
S'agirait-il de sinophobie ? Cela y ressemble. D'après les déclarations de Stéphane Sage, ses parents suspecteraient sa future épouse d'être une espionne au service de la République populaire de Chine. Bref, cette union ne serait pour elle qu'une « couverture »...
Le tribunal de grande instance de Grenoble, saisi par le couple, a donné un avis favorable à la levée de l'obstacle judiciaire invoqué par les parents, "aucun motif objectif permettant de justifier cette décision n'ayant été relevé", a précisé le parquet. Pas de mariage gris, donc, confirme le TGI. Les parents n'ont pas précisé s'ils allaient faire appel de cette décision.
Mais la loi du 9 août 1919 stipule qu'après la mainlevée judiciaire de l'opposition, aucune nouvelle opposition formée par un ascendant n'est recevable ni ne peut retarder la célébration.
Vœux de bonheur
Mandy, dans cette triste histoire, s'étonne quelque peu de la vitalité de l'héritage napoléonien au pays des droits de l'Homme. Ne disposant pas d'un visa de long séjour, elle est repartie à Hong-Kong avec sa famille, qui n'avait pas hésité à faire ce long voyage à l'occasion de cet événement. Avec, on l'imagine, un sentiment de grande déception et d'incompréhension. Cette suspicion inattendue a sans aucun doute jeté le trouble. Les fiancés ne s'attendaient pas à démarrer leur vie commune en faisant la une des journaux.
Malgré les obstacles à leur union, malgré le sabotage de leur marche nuptiale, malgré la suspicion jetée sur leur amour, Mandy et Stéphane ne renoncent pas. Leur mariage sera célébré un jour ou l'autre de cette nouvelle année. C'est tout ce qu'on leur souhaite en cette période de voeux.
Chris
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(1) L'article 173 du code civil datant de l'époque napoléonienne stipule que "le père, la mère, et, à défaut de père et de mère, les aïeuls et aïeules peuvent former opposition au mariage de leurs enfants et descendants, même majeurs". Cela sans passer par un Procureur.
(2) Le 5 octobre 2010, l'Assemblée nationale a voté dans la soirée une mesure qui prévoit de punir les «mariages gris» de sept ans de prison et de 30 000 euros d'amende. Sont visées ces unions où l'un des deux conjoints aurait trompé l'autre sur ses sentiments dans l'objectif d'obtenir un titre de séjour.