Les conséquences intimes de la Révolution Culturelle, le retour du « laogai »
Wanyu, une femme vieillie, atteinte d’amnésie, ne parvient pas à reconnaître son mari de retour de prison à la fin de la Révolution Culturelle. Par ailleurs, elle n’a pas pardonné à sa fille d’avoir dénoncé son père quand il s ‘était évadé.
Ce film comporte très peu de plans d’ensemble, il est constitué à 80 % de gros plans de visages, Zhang Yimou a d’abord été photographe avant de débuté au cinéma comme directeur de la photographie pour Chen Kaige.
Mais plus que les visages c’est surtout la puissance du regard des trois acteurs qui, loin des paroles, exprime le drame intime.
Gong Li est magistrale, grâce au travail accompli pour endosser le rôle de l’amnésique :
« J’ai demandé au réalisateur un mois et demi de préparation pour rencontrer des personnes atteintes du même genre d’amnésie. J’ai passé du temps à les observer, à dialoguer avec elles et leurs familles afin d’accumuler un matériau pour mon personnage. Le plus difficile a été d’éteindre le regard. »
Et ce regard est proche de celui de l’aveugle car l’amnésie rend aveugle, la personne ne reconnaît plus, ne « voit » plus celui qu’elle a oublié.
Regards de l’attente, de la quête, ou du rejet de l’autre, vécus alternativement par chacun des trois protagonistes, père, mère, fille. Regards du drame personnel vécu par chacun, du traumatisme causé par l’Histoire.
« Coming home » représente à mes yeux un tournant dans le cinéma chinois contemporain : il me semble être le signe de l’évolution de la société chinoise actuelle. Dans « l’ancienne société communiste » le collectif avait la priorité sur l’individuel.
Aujourd’hui, dans la pensée chinoise, la personne et l’intime prennent la primauté sur le collectif.
Cette évolution se manifestait timidement dans des films comme « La tisseuse », « Train de nuit » ou « Stil lif », elle devenait évidente dans « 24 City », « A touch of sin », « Black coal », où les micros-histoires s’expliquaient par la macro-histoire.
« Coming home » quant à lui, est, à ma connaissance, le premier film chinois qui fait explicitement référence à la psychologie, à la psychanalyse. Il décrit à la fois les résultats du traumatisme subi et les tentatives d’explication et de guérison par les proches.
Même s’il montre les conséquences de la Révolution culturelle (familles pulvérisées, dénonciation des parents par les enfants, etc.), le film n’a pas eu à subir la censure.
C’est aussi le premier film « de la réparation », du pardon collectif, qui permettra aux Chinois de dépasser leur Histoire.
Film du retour, retour du père à la maison après le « loagai » (goulag chinois), mais aussi, grâce au pardon, retour de la fille vers son père, de la fille auprès de sa mère.
Seule la mère, enfermée dans le passé à cause de l’amnésie, ne revient pas dans le présent, pour elle, le temps s’est arrêté dans le goulag.
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