Albert Helly

Messages : 245 Date d'inscription : 25/04/2011 Age : 77 Localisation : Grenoble
 | Sujet: "A touch of sin", 《天注定》film de Jia Zhangke, 2013, Prix du scénario au dernier Festival de Cannes Mar 17 Déc 2013 - 15:54 | |
| A ne pas manquer pour qui veut mieux comprendre l’état de la Chine d’aujourd’hui : la Chine est malade et Jia Zhangke en fait le diagnostic. Le scénario raconte quatre micro-histoires au sein de la macro-histoire de 1 milliard 350 millions de Chinois : un mineur, un tueur errant, une jeune femme travaillant dans un salon de massage, un jeune homme changeant de ville et de travail. Le génie du scénario est que ces 4 histoires se croisent et se recoupent, comme les personnages se côtoient sans se connaître, dans les différents lieux du film, seul le spectateur les reconnaît, et pour boucler la boucle, dans la séquence finale, la jeune femme se retrouve dans le village du mineur du début du film. Jia Zhangke inscrit ces 4 destins dans une période spécifique de la société chinoise, celle des fêtes du Nouvel An chinois, où a lieu l’immense migration intérieure pendant laquelle des centaines de millions de personnes traversent le pays pour rejoindre leur famille dans leur région d’origine. Le thème profond qui relie entre elles ces 4 personnes c’est le déracinement : les Chinois, dans leur grande majorité sont des déracinés (c’était aussi le thème sous-jaçent de « 24 City ») : ils sont coupés de leurs racines, de leur terre, de leurs origines, de leur famille, de leur culture initiale, et même parfois, comme le montre aussi le film, de leur langue maternelle, quand ils gagnent des régions de langue différente (le cantonais). C’est déjà une première et terrible violence, cause de grandes perturbations, d’isolement et de fragilité de la personne. Au surplus, dit le réalisateur, « L’argent est devenu la valeur la plus importante en Chine, mais le pouvoir est associé à cette quête de richesse » qui souvent, se réalise hors la loi.  | La corruption, les conditions indignes de travail et de logement pour les ouvriers, dans des entreprises démesurées (la connotation avec les usines taïwanaises de Appel en Chine est flagrante), le mépris des femmes, dans les bordels de luxe (请楼) salons de massage, restaurants, où les prostituées ne sont plus des personnes, elles n’ont même plus de prénom, elles sont devenues des N° qu’on appelle pour le service du client : « N° 11, c’est ton tour ! »
Bien plus, pour mater les récalcitrants, faire taire les protestataires, rien de plus facile que d’utiliser des hommes de mains, sbires sans scrupules qui frappent et tabassent sans mesure. En Chine les municipalités elles-mêmes le pratiquent !
La violence apparaît aussi dans cette scène du cheval battu à mort par un charretier, qui rappelle une scène semblable dans « Still life ». |
La violence personnelle est l’ultime recours, en réponse à la pression immense de la violence sociale subie par la personne : « Un acte fulgurant, irréfléchi, est très souvent le fait de celui qui se sent atteint dans sa dignité ». En Chine, les actes individuels désespérés se sont multipliés ces 5 dernières années, coups de feu sur la foule, bombe dans un aéroport, suicide, retraité suspendu au sommet d’un pont. Le pire, (il est indiqué en pointillé tout au long du film), c’est que les valeurs « sûres » de la société, l’autorité, la religion, la culture traditionnelle, la famille, mais aussi les corrompus, se liguent pour rendre les victimes coupables de leur violence désespérée : la scène finale rappelle cruellement le titre du film. Le film désigne clairement les « trois montagnes » qui font obstacle à l’avancée de la Chine : inégalités, corruption, pollution. Quels seront les remèdes pour de tels maux ? Lien : 24 City autre film de Jia Zhangke
Dernière édition par Albert Helly le Dim 5 Jan 2014 - 15:53, édité 1 fois | |
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Messages : 2514 Date d'inscription : 23/01/2010 Age : 54 Localisation : Beijing
 | Sujet: Re: "A touch of sin", 《天注定》film de Jia Zhangke, 2013, Prix du scénario au dernier Festival de Cannes Ven 20 Déc 2013 - 23:00 | |
| Un commentaire de notre amie Li : c'est bien triste comme film qui est révélateur des cotés plus noirs en Chine | |
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