Hélas, faute de connaître suffisamment la situation des cinémas de l'Afrique francophone, des caraïbes ou des pays européens francophones en Chine, il s'agira là d'un regard dédié à la situation du cinéma français en Chine.
Prisme culturel exceptionnel quant au rayonnement de la langue française, voire de "soft power", le septième art hexagonal est dans une situation complexe sur le territoire chinois.
En effet, l'industrie cinématographique chinoise a toujours été de nature protectionniste dans le but de favoriser sa propre production, mais aussi pour lutter contre le cinéma américain, le poids lourd du secteur sur le marché mondial. Les autorités ont donc mis un système de quotas en salles pour les films étrangers, à hauteur de 34 films en partage de recettes (système qui permet aux intervenants du film dont le producteur d'être rémunérés au prorata du succès du film), et 30 films au forfait (un prix fixe d'achat du film). Cette mesure est récente (2012), car auparavant, il ne s'agissait par exemple que de 20 films en partage de recettes !
Dans ce quota de films importés annuellement, on compte quelques longs métrages français (6 à 8 en général) représentant la production cinématographique française usuelle, dont notamment ses grands succès dans les salles françaises, auxquels on peut rajouter des productions calibrées à l'américaine, comme celles d'Europa Corp (société de Luc Besson) et ce, parce que le spectateur chinois souhaite se divertir dans les salles obscures et que le meilleur modèle en la matière reste de loin Hollywood.
Au-delà du quota, première barrière d'entrée à ces films français, il est également nécessaire de rappeler qu'ils doivent passer par la case "bureau du cinéma" et sa censure, officine qui décide si oui ou non un film peut être exploité dans les salles chinoises en l'état où s'il faut que des scènes ou des éléments soient coupés.
Pour exemple, "Skyfall", le dernier James Bond, a été coupé de plusieurs minutes concernant la Chine qui ne correspondaient pas aux attentes des autorités.
Cette censure est donc une deuxième barrière qui empêche une sélection naturelle des films français dès que son sujet porte sur un élément sensible pour les autorités (religion, sexe, violence, critique du pouvoir politique, etc.). Heureusement, lorsqu'on regarde dans le détail, les films français sont très peu confrontés à ce type de problème.
La politique a également une influence positive ou négative sur ces importations. Pour ne citer qu'un exemple, en 2008, l'année des Jeux Olympiques, le cinéma français a connu une année noire. Non seulement cette année-là était une année importante pour la Chine avec une concentration sur ces événements sportifs et un ralentissement pour l'industrie culturelle, mais le passage mouvementé de la flamme olympique à Paris a impacté l'importation des films français, tel un embargo temporaire.
Bien évidemment, des structures (l'Ambassade, Consulats, Institut Français, Unifrance...) promeuvent le cinéma français à diverses occasions comme lors de festivals qu'ils organisent (My French Film Festival, French May Festival à Hong Kong, Panorama du cinéma français...), mais aussi dans d'autres événements chinois ou de coopération franco-chinoises.
Cela n'empêche pas aujourd'hui de rester perplexe sur plusieurs points. Le premier est l'attitude française face à la machine hollywoodienne qui a une force économique sans commune mesure à celle de la France. Qui plus est, les Chinois voient dans le marché américain un marché plus intéressant pour eux dans des perspectives cette fois-ci d'exportation. D'où un échange sino-américain très fort en la matière où la France tente de trouver sa place.
Le deuxième point est la capacité à alimenter le marché de la télévision chinoise, certes moins pétillant ou reluisant que celui du cinéma, mais encore trop peu exploré, alors que les Américains, une fois encore, proposent de nombreux programmes, notamment des documentaires, tels ceux de National Geographic. Le développement des chaînes et des bouquets satellites chinois appellent à réfléchir à des perspectives fortes en la matière.
Enfin, pour reprendre la célèbre formule "On n'a pas de pétrole, mais on a des idées", le cinéma français se doit de chercher des nouvelles pistes à explorer pour diffuser ses films en Chine. D'autres pays, comme la Corée du Sud, ont mis en ligne gratuitement sur Youtube, une chaîne proposant des films du patrimoine (et d'autres) afin d'attirer peu à peu des utilisateurs jeunes vers la culture coréenne. Peut-être devrait-on s'en inspirer ? Bien d'autres pistes de ce type sont possibles, aux Français d'être inventifs. C'est leur réputation. Et leur plus grand défi !
Damien PACCELLIERI
Directeur des éditions des écrans.