Aujourd'hui nous recevons, Lu Fang, auteure de « Dialogue avec le ciel », aux Editions du Panthéon.
Née en 1964, dans la province du Shaanxi, elle a grandi en Chine pendant la Révolution Culturelle. Elle s'est établie ensuite en Belgique. Passionnée d'écriture elle publie son premier roman en français en 2011. | En juillet 2012, vous êtes retournée en Chine, pour revoir votre famille et vous êtes allée voir l'hôpital où travaillaient vos parents, au Tibet. Quelle impression rapportez-vous de ce voyage ? J'ai senti une tension entre le gouvernement et le peuple, le problème de fond n'est pas résolu, les pauvres n'ont pas la liberté de parler. J'ai appris la liberté ici, en Europe, et je vois bien qu'en Chine c'est une minorité qui dirige, il faut changer. Les gens ont envie de changement, le peuple a envie de respirer. Tous les progrès de l'économie, c'est bien, c'est une porte ouverte sur le monde et les classes moyennes ont atteint un certain niveau de vie mais elles n'osent pas encore s'exprimer, elles ont peur de perdre leurs biens. |
J'ai constaté aussi la censure des sites internet étrangers, j'ai eu l'impression d'une société un peu malade dans laquelle les gens cachent leur pensées.
Pouvez-vous préciser ?Tenez par exemple, mes grands parents, à la campagne ont laissé à leur décès, une maison. Ce sont les fils seulement qui ont hérité ! J'ai rencontré mes tantes et mes cousines, j'ai affirmé mes droits sur la succession, (pour le principe car je savais d'avance que c'était vain), elles n'ont rien osé dire, elles n'ont pas osé revendiquer leurs droits. Du coup ma famille m'a regardée bizarrement, ils ne voulaient plus me parler. J'en ai éprouvé une grande tristesse pas seulement pour moi, mais aussi pour ma famille, pour les gens.
Dans les villages ils m'ont parlé aussi des expropriations de terres, avec des chefs de village qui s'enrichissent, qui roulent en voiture de luxe !
Le Premier ministre Wen Jiabao, est venu récemment en visite à Bruxelles, que pensez-vous des relations entre la Chine et la Belgique ?La Chine et l'Europe ont besoin l'une de l'autre, c'est des liens de réciprocité qui les unissent, mais je ne vois pas de relations entre les peuples, entre les gens, ce sont surtout des liens économiques qui concernent surtout les entreprises. Pour ce qui est de la Culture, il n'y a pas grand-chose. En plus, ici en Belgique, il y a le problème Nord-sud qui accapare tout le monde, les échanges culturels avec la Chine n'intéressent pas grand monde.
Bien sûr, il y a des Instituts Confucius en Belgique, on y trouve des cours de chinois, mais peu de gens les suivent et aussi de la calligraphie. En ce qui concerne la calligraphie, les gens tracent des signes mais ils ne savent même pas le sens des caractères qu'ils écrivent !
Quel est votre projet du moment ?Je suis en train d'écrire un deuxième livre, une histoire d'amour, qui est en même temps un document sur le Tibet. Je voudrais montrer une image du Tibet différente de celle qui est donnée officiellement, en Chine, je voudrais montrer l'évolution du peuple tibétain, ce qu'il est devenu, en 2012. C'est une histoire d'amour entre un Tibétain et une Chinoise, dans un contexte difficile. Je suis très sensible au problème de la rencontre des cultures, car ici en Belgique il y a la question très forte de la séparation des deux communautés. Je voudrais montrer que dans ce monde, on peut coexister, même si on appartient à des cultures très différentes, avec des langues très différentes.
Vous vous sentez donc plus francophone ?Je suis Chinoise tout d'abord, mais je me sens aussi Européenne et je sais que la Chine et l'Europe ont besoin l'une de l'autre.
Voir L'invité du jour : Damien Paccellieri