Le 26 mars à Dali, à l'occasion de l'ordination de cinq prêtres issus de minorités. Albert est avec un couple de la minorité Jingpo, à la frontière de la Birmanie. La jeune femme est en costume traditionnel.Albert Helly, notre chroniqueur de la rubrique
Arts et Lettres, était parti en Chine dans l’intention d’enseigner le français pendant quelques mois et de travailler son chinois. Enseigner, c’est son métier. Il l’a exercé pendant plus de 40 ans. Mais l’occasion ne s’étant pas présentée, il a trouvé d’autres occupations.
Comme un reporter, l’appareil-photo en bandoulière, il a interviewé des personnalités chinoises comme Huo Da Tong ou Li Kun Wu mais aussi des Français qui ont créé leur activité en Chine, tels ce jeune professeur de hip-hop, ce producteur de framboises, ou ces trois jeunes femmes qui viennent de créer une entreprise sociale au Tibet. Et puis, il a pris le train et l’avion, marché dans les villes, noué des contacts, rendu compte au jour le jour de la vie chinoise telle qu’il l’a vue en ce printemps 2012. Tous ses articles se trouvent sur le forum Chine et francophonie. Albert lui en a accordé la primeur.
Le diaporama qu’il présente en France depuis son retour (bibliothèques,associations, groupes de lecture) est un témoignage passionnant d’un ami de la Chine et de sa culture. Albert privilégie une approche au contact de la population, en immersion, disent certains. Piéton parmi les piétons, il sait observer les activités quotidiennes de ces travailleurs citadins, et nous en expliquer les tenants et les aboutissants. Il n’hésite pas à engager la conversation avec ceux qu’il côtoie, quand il achète des fruits et des légumes,par exemple, et se fait parfois des amis. Albert nous donne envie de mieux connaître ce pays, son peuple et sa langue.
Peux tu rappeler à nos lecteurs les régions que tu as traversées pendant ces deux mois et demi de voyage.Je rentre d'un séjour de deux mois et demi en Chine, du 3 mars au 15 mai.
J'ai d'abord résidé à Kunming, capitale du Yunnan, pendant 3 semaines, où je logeais chez Estelle Achard. Ensuite je suis allé dans les marches tibétaines du Yunnnan, deux jours pour Dali et Shangrila, et 15 jours dans un hameau tibétain de la région, pour aider Estelle à la restauration d'une maison tibétaine traditionnelle. Après ce chantier, je suis allé dans le Sichuan, suis resté 12 jours à Chengdu, et 2 jours à Chongqing,
Je suis retourné 15 jours à Kunming, et enfin 3 jours à Shanghai.
Tu as fait le choix de te promener à pied dans les villes afin de faciliter la rencontre des Chinois dans leurs activités quotidiennes. Le piéton français que tu es a t-il été bien accueilli? Les contacts ont-ils été chaleureux ?Quand je voyage, je me déplace toujours le plus possible à pied, non pas par souci d'économie, mais parce que je considère qu'on ne connaît jamais un pays mieux que par les pieds. Le piéton français que je suis a toujours été très bien accueilli par le peuple chinois, et les contacts ont toujours été très chaleureux.
Dans la rue, dans les magasins, au marché, dans les parcs, les gens manifestaient un étonnement sympathique de voir un étranger seul, à pied, là où ils n'en voient pas d'habitude. Passée cette brève surprise, le sourire arrivait vite, puis souvent la parole suivait. En Anglais souvent, je répondais alors, en chinois, que je ne
parlais pas cette langue. Nouvelle surprise, et quand je disais que j'étais Français, cela leur paraissait évident. Je pourrais même dire que je bénéficiais alors d'un capital sympathie supplémentaire, et parfois je pouvais même lire une certaine admiration dans les regards. Vraiment, je n'ai eu que de belles rencontres.
Tu soulignes, dans le diaporama que tu présentes en France, que certaines régions rurales ont tendance à se désertifier et que de nombreuses écoles sont abandonnées. Quelle éducation reçoivent alors les enfants? Quels sentiments cela t'inspire t-il ?Je ne peux parler que des régions que j'ai traversées, mais j'en ai eu confirmation par les étudiants chinois que j'accompagne, ici en France. Les enseignants Han acceptaient de plus en plus difficilement de prendre leur poste dans les contrées reculées, peuplées par les minorités ethniques, notamment de montagne. Le gouvernement chinois, pour maintenir l'enseignement a trouvé la solution de construire d'énormes cités scolaires dans les chef-lieux de cantons, du CP à la terminale, où les enfants sont internes. La scolarité est donc plus coûteuse pour les familles et certains enfants et jeunes ont du mal à s'adapter à l'internat, ils quittent alors l'école. J'ai peur que l'écart se creuse encore plus entre les minorités et le peuple han. Au surplus, une école primaire, dans un village, c'est la vie du village, autour de l'école et des enseignants une vie culturelle et collective est maintenue, les familles vivent au rythme de l'école. Sans école, un village apparaît mort : où sont les cris des enfants ?
Tu conclus ton compte-rendu par la photo de deux personnes que tu as rencontrées au cours de ce voyage: le psychanalyste Huo Da Tong et Jia Xu qui a étudié un an à Grenoble et que tu as retrouvée là-bas. Peux-tu expliquer pourquoi ?Ces deux personnes symbolisent pour moi l'espoir et l'avenir de la Chine. Après un développement économique et humain extraordinaire, en un temps record, jamais atteint par aucun pays au monde, il reste pourtant encore tant à faire en Chine !
Jia, dans sa sphère professionnelle autant que privée, milite pour changer l'image traditionnelle de la femme chinoise, poupée-enfant-objet. Le professeur
Huo Da Tong, lui, a semé un germe, devenu jeune pousse, la psychanalyse. Pour moi, l'avenir de la Chine c'est une nouvelle situation sociale
de la femme chinoise, et c'est aussi la revalorisation de la parole individuelle : toutes deux permettront au peuple chinois, qui a tant souffert, d'exorciser son passé.
Christian NeyratLien :
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