Ju Dou, film 1990, de Zhang Yimou 张艺谋《菊豆》

Dès les premières images nous comprenons que nous sommes plongés dans la tragédie antique, que, plus l’héroïne tragique cherchera à fuir son destin, plus elle y retombera, dans une situation toujours pire qu’auparavant. C’est le cas pour Ju Dou, (Gong LI), portrait de la femme chinoise traditionnelle, jeune fille vendue à un riche teinturier qui s’avère stérile. J’ai retrouvé la pensée de Jean Cocteau au début de « La machine infernale ». « Spectateur, les dieux ont remonté les ressorts de la mécanique, la machine est en route, pour l’anéantissement mathématique d’un mortel ». Tel est le récit voulu par Zhang Yimou. Tout est symbole dans ce film. Chez le teinturier, d’immenses bandes d’étoffe de couleurs ponctuent le film tout en enfermant les personnages.

Tantôt déployées elles flottent dans le vent pour sécher, quand c’est le calme et le bonheur,

Tantôt elles sont chiffonnées ou enchevêtrées et les personnages y sont entravés.

Les couleurs elles aussi sont symboles :
le rouge pour le yang, masculin,
le jaune pour le ying, la féminité,
le blanc, pour la mort et le deuil ,
le bleu pour le neutre, la nuit.

Parmi les films chinois, "Ju Dou" est l’un de ceux où l’amour, la sensualité, la sexualité, l’érotisme s’expriment le plus malgré les codes et la pudeur traditionnelle de la société chinoise.

C’est un des seuls films où les amants se disent leur amour avec des mots, autrement que par des regards, par des détours métaphoriques.

Le réalisateur montre la beauté des corps, le grain de la peau, la délicatesse des mouvements de mains, utilise les tentures de couleurs, la machinerie complexe de la teinturerie pour évoquer les moments heureux des amants.

Un chef d’œuvre comme on en voit peu.

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