C’est en Chine, dès le 2e siècle, que fut codifiée la fabrication du papier.
Un savoir-faire, un art millénaires incontestés.
En ce début de XXIe siècle, l’industrie papetière chinoise traverse pourtant une période critique. Le papier se fait rare. Le livre, jusqu’alors très bon marché, est en train de devenir un produit cher...
Deux raisons principales à cela :
1- La Chine est pauvre en forêts. La pâte à papier se fait rare et donc plus chère (+10% il y a 2 ans) alors même que la demande intérieure (édition de livres, notamment) et extérieure (les exportations de papier ont augmenté de 76% entre 2005 et 2006 selon les chiffres gouvernementaux) s’intensifie.
Le recours au bambou, ressource plus abondante que le bois, pour la fabrication de la pâte à papier, a été évoqué comme une éventuelle solution.
Mais en attendant de se « raccrocher au bambou », la papeterie chinoise est contrainte d’importer en quantité de la pulpe de bois. Et de revoir à la hausse ses coûts de production.
2- L’outil industriel n’est plus adapté. La Chine possède quelque 2000 papeteries de toutes tailles, peu productives pour une bonne part, et souvent très polluantes. Le gouvernement, soucieux de préserver l’environnement et de restructurer son industrie papetière, ferme par centaines ces unités de production.
A la différence des papetiers occidentaux qui ont toujours utilisé la pulpe de bois pour fabriquer la pâte à papier, l’industrie chinoise a longtemps eu recours à la paille et autres sous-produits agricoles. Un procédé hautement polluant.
On notera, pour la petite histoire, que récemment, selon l’agence Xinhua, six entreprises, dont deux papeteries et une imprimerie, ont été sommées de présenter des excuses au public par le bureau municipal de la protection de l'environnement de Hanzhou. Elles ont aussi été condamnées à une amende.
Harry Potter à 66 yuans
Résultat de cette situation : pénurie de papier, retards de livraison, hausse des prix de tous les produits de la filière imprimerie.
Le dernier Harry Potter, par exemple, avait vu son prix doubler (66 yuans soit 6 €) par rapport aux précédents volumes.
Les spécialistes s’interrogent sur les conséquences de cette crise sur le prix du papier, redoutant un effet démultiplicateur, compte tenu de l’épaisseur du carnet de commandes. Il faut savoir par exemple, qu’un des principaux éditeurs britanniques, Penguin UK, fait fabriquer l'essentiel de sa production en Chine, bénéficiant ainsi de réductions de coût de 20 à 50% depuis plus de 5 ans.
En France, Grenoble et sa région, qui, sans vouloir rivaliser, peuvent aussi se vanter d’une longue tradition papetière, ne sont pas indifférents à ce contexte.
Christian Rettmeyer, directeur général d’Allimand, entreprise basée à Rives (Isère) qui conçoit et fabrique depuis 1850 des équipements destinés à l’industrie papetière mondiale, connaît bien la situation.
En 2001, il déclarait au magazine Présences, organe de la Chambre de commerce et d’industrie de Grenoble : « On estime qu'en 2015, les besoins chinois en papier s'élèveront à 70 millions de tonnes, car le papier est présent partout, dans les emballages, l'ameublement (papier peint…), les billets de banque, les journaux…
Aussi accompagne-t-il bien la croissance... L'industrie papetière mondiale devra compléter les besoins de ce marché, et en même temps répondre aux autorités chinoises qui souhaitent se doter d'une industrie à plus forte capacité. La société Allimand est concernée à ces deux titres ».
Allimand, pour qui la Chine est le second marché après la France, y a déjà installé une quinzaine de machines à papier. Une des dernières commandes était une machine destinée à la production de papier à cigarettes. Mise en service en 2008 à Jiangmen (province du Guangdong) pour le compte de China Tobacco Mauduit.
Le département français de l’Isère, via Allimand, apporte ainsi depuis de longues années, sa contribution, si modeste soit-elle, à la restructuration de cette activité si intimement associée à l’histoire de la Chine. Et l’on ne peut que s’en réjouir !
De Christian Neyrat -Sillon 38 pour Forum Chine et Francophonie