Après l'expédition étudiante au Mont Taishan, je n'avais qu'une idée, c'est de remettre cela. Depuis longtemps, j'avais en tête le Mont Emeishan. Son altitude, sa situation près de Chengdu, lui confèrent un caractère particulier. Le pied est en climat sub-tropical, le sommet à 3099 en climat alpin : tout un programme pour les amateurs de contrastes !
Noël 2007 avec des copains du CAF (Club Alpin) Paris nous réalisons un grand trek au Yunnan, des Gorges du Tigre au Lugu Hu. Je les laisse à Shangerila. De là je rejoins Chengdu en bus via le pays du Khan (Xiangcheng-Litang-Kanding) Un voyage mythique, on en reparlera. Chengdu, c'est la base rêvée pour aller au Mont Emei ; à ne pas manquer.
Ce qui n'était pas prévu, c'est la vague de froid intense qui va s'abattre sur la Chine Centrale en cet hiver 2008. Cette fois-ci, je suis seul.
13 Janvier 2008. A 8 heures du matin, on s'agite fort dans la Gare routière sud de Chengdu. Heureusement l'Emeishan est connu. C'est pour Baoguo qu'il faut un ticket. Départ toutes les demi-heures, j'ai un ticket pour 9 heures. Un trajet de 2h40 et vous voici à Baoguo, à 500 m d'altitude. Attention, là j'ai perdu un peu de temps. Impérativement acheter à la sortie du bus une carte du Mont Emei ; ce n'est pas l’offre qui manque ! Pour ceux qui veulent aller directement au sommet (3099 m) sans se fatiguer, des minibus les emmènent par route à la station de Taizi Ping à 2540 m; là, les plus courageux achèveront la montée à pied. D'autres se laisseront tenter par le « Cable Car » qui les déposera à 3000m.
Pour ceux qui, comme moi, aiment la marche et l'aventure, il faut prendre une navette pour Wuxiangang (10mn) C'est là le bon point de départ. Un droit d'entrée, à l'époque de 50 yuan, et l'aventure commence. De cette porte au sommet, il y a un dénivelé de 2 500 m et ce sont des marches qu'il faut gravir soit de l'ordre de 18 000 marches !
On s'y fait car il y a des paliers et la nature est magnifique. A 12h30 je commence la montée. Il faut aller vite, c’est l'hiver et à 17h30/18h il fait nuit noire. Le début est plaisant, dans les bananiers. Il y a un peu de monde et naturellement des marchands. On vend de tout comme partout en Chine. Et puis il y a les temples qui se succèdent et il y a l'encens, les bougies ! Une petite vieille, toute ridée et ratatinée me fait craquer : en avant pour la petite cérémonie encens. Ce sont les femmes qui s'adonnent surtout à cette cérémonie compliquée ; il faut être souple, ce qu'elles sont bien plus que moi !
Le Wannian-Si passé à 1020 m. je me retrouve seul. Des jardiniers interrogés me confirment que l'on peut dormir plus haut. Je continue mais bien vite il faut déchanter. Le sol est de plus en plus glissant. Il a plu sur le sol gelé ; le verglas est là. Sans ce miracle qu'est le sens du commerce chinois, j'aurais dû faire demi-tour. Et oui, au détour du chemin un marchand étale sa collection de crampons et de chaussons neige ! Je choisis des crampons moulés à 50 yuans. Ils tiendront 2 jours, je n'en demande pas plus.
La nuit est tombée quand j'arrive à Huayan. L'altimètre marque 1900 m. Il y a longtemps que je suis seul. Qu'elle est bienvenue cette petite lumière dans la nuit.
Ce sont des paysans qui tiennent une Auberge dont je serai le seul client cette nuit. La cellule est glacée, il doit faire dans les - 10°. Les crampons sont indispensables pour atteindre les toilettes, un grand trou qui surplombe l'abîme. Mais j'ai un toit ! Soirée par ailleurs fort agréable. Je rejoins mes hôtes et c'est autour d'un gros poêle familial que je partage leur dîner.
Dîner auberge1 - Montée dans la neige - Dîner auberge214 Janvier – Départ de bon matin. Je veux être au sommet pour midi. Ce que j'avais deviné la veille dans la pénombre se révèle dans toute sa splendeur. La neige et la pluie mélangées se sont transformées en cristaux sur les branches des pins que j'ai maintenant rejoints. Je n’ai jamais vu cela de ma vie. C'est féerique avec les reflets du soleil levant. Devant un tel spectacle, on se laisse aller. Attention au réveil ! Pour moi, il est brutal sous la forme d'un énorme animal me barrant le chemin. En fait, je ne m'y attendais pas, c'est un gros singe qui doit faire dans les 90 cm de haut, mais surtout qui est très trapu. Heureusement, il est aussi surpris que moi et disparaît. Ouf !
Panneau : Attention aux singes ! Les singes sont là - Panneau au Golden SummitDeux heures plus tard, changement brutal, j'ai rejoint le premier flot des touristes, ceux qui terminent la montée à pied après que le bus les ait laissé à 2500 m. La forêt s'est clairsemée, par contre les boutiques sont là de nouveau. L'aventure est finie, c'est le grand tourisme Chinois.
La chance, c'est que le sommet est dans un demi brouillard et sous une épaisse couche de neige. Un régal pour nous tous et en particulier pour l'âme chinoise. Cela donne encore plus de charme à l'allée d'éléphants blancs qui mène au temple du Golden Summit. A l'intérieur, c'est très kitsch et pour 100 yuans les moines peuvent vous prédire une longue et belle vie, le tout sur de beaux parchemins.
Au sommet : L'éléphant gardien du temple - Le temple - DomiA la descente j'emprunte un chemin différent, plus à l'est à partir de Xixiang Pond. Les escaliers sont nettement plus raides. D'une manière générale la descente est plus fatigante que la montée : 18 000 marches, les articulations inférieures peinent. Par contre, ici encore le paysage taillé à la serpe est magnifique. Ce qui l'est moins, c'est ma nuit à 1750 m. au Xiangfeng- Si que j'atteins au crépuscule. Quelle déception après l'accueil si chaleureux de la veille ! Ici, c'est aussi spartiate mais c'est le business qui prévaut : 120 yuans agrémentés d'une réception agressive ! Un dîner de pâtes lugubre, aussi cher qu'il est monacal, couronne le tout! Cela m'est heureusement rarement arrivé.
Du sommet à la descente : Les pèlerins - L'allée des éléphants - Un escalier vertigineuxLe mardi 15, il me reste 1200 m à descendre. C'est une promenade mais quand je rejoins les bananiers une dernière surprise m'attend. Un missile atterrit violemment sur mon petit sac à dos. Je plie sous le choc, mais ne romps pas… C'est un petit singe, je dirais dans les 8 Kg, qui s'est laissé tomber d’une branche qui me surplombe de 4 à 5 m; avec l'accélération de la pesanteur, ce n'est pas rien ! Il a été attiré apparemment par l'odeur de mes biscuits. Coquin, il m'a fait sacrément peur.
Je trouve sans peine un bus à Baoguo; à 17 heures c'est de nouveau Chengdu.
Prochain Episode :
Dans le Shanxi avec Wendy : Pingyao puis, autre Mont Bouddhiste : Le Wutai Shan en mai 2008.
Domi
Voir,
La Chine sac au dos (6) : Les montagnes Sacrées et Bouddhistes -Présentation