Les marches tibétaines du Yunnan: 15 jours dans un hameau tibétain, restauration d'une maison traditionnelle tibétaine en terre, les écoles fermées, une réunion de prière dans un village de haute montagne, le thé au beurre rance, la stampa
Jeudi 29 mars 2012
Je suis chez Estelle Achard, à Bairen, commune de Benzilane, à 82 km au Nouest de Shangrila, au bord du Yangze, qui fait la frontière entre le Yunnan et le Sichuan. Cette frontière entre les deux provinces est actuellement interdite aux étrangers, le pont de Benzilane est actuellement barré par l'armée, seuls les locaux peuvent passer. En effet des troubles se sont produits de nouveau dans la province tibétaine du Kham, début mars, 4 moines se sont immolés par le feu, en protestation contre la politique du gouvernement chinois à l'égard du Tibet. Je voulais rejoindre Chengdu en car, en 3 jours, par les plateaux tibétains du Kham, j'ai dû renoncer et je retournerai donc à Shangrila pour prendre l'avion le 12 avril. Nous sommes à 2200m d'altitude, sous les tropiques et le climat est méditerranéen, il ne gèle pratiquement jamais, on trouve de la vigne et des agrumes.
Je bois du vin tibétain local : au XIX° les missionnaires des Missions Etrangères de Paris ont apporté des plants de vignes. A cause du philoxéra au début du XX°en France, ces ceps sont inexistants chez nous. Bon vin un peu sucré. La société Hennesy vient d'acheter des terres et veut planter cette variété de vigne pour produire un cru spécifique ici !
Vendredi 30/03
Ce matin suis allé au marché seul à Benzilane. Achat de légumes, produits maison, matériel de bricolage.
Midi : yack bourguignon aux champignons des montagnes, macéré dans le vin rouge tibétain, un régal !
Déssert, yaourt aux confitures d'Estelle, mandarine du jardin, papaye, raisin tibétain, citron confis.
AM, je travaille au jardin: préparation de la terre, semis, épinards, tétragones, oseille, ciboulette, persil, plantation des salades, taille des arbres fruitiers, orangers, poivriers du Sichuan, taille des trois pieds de vigne tibétains. Nous arrosons avec l'eau des montagne, en respectant les heures de répartition, très rigoureuses, comme en Tunisie ou en Andalousie. Les mêmes conditions d'environnement, climat, altitude entraînent de genres de vie, des règles semblables sur tous les continents.
Nous allons demander des plants de coriandre à la voisine du dessous. Vers 18h j'accompagne la voisine du dessus au temple, aujourd'hui elle vide les coupelles d'eau, allume la bougie du soir, fait ses propres dévotions, nous tournons 4 fois autour du temple dans le sens des aiguilles d'une montre.
Je me couche tôt après une journée bien remplie, Estelle est contente de voir son potager mis en route.
Samedi 31/03
Lever 8h. Travail au jardin : nous brûlons toutes les broussailles près du potager, à midi grillades de porc à la tibétaine sur le feu des branches. Estelle embauche la voisine et sa copine pour la demi journée : destruction d'un mur de moellons dans la cour. Je détruis à coups de masse et de pic, les femmes, comme à leur habitude transportent, 2 moellons sur leur dos, j'arrive à peine à en porter un dans les bras ! 3 h intensives. Nous arrêtons à 17h.
Dimanche 1/04
Lever à 8h pour préparer un pique-nique (salade de riz). Nous partons en stop jusqu'à Benzilane puis vers une vallée sur la route de Shangrila. Nous marchons deux heures par la piste carrossable, jusqu'aux dernières maisons (28OOm), sur le versant est. Nous avons une vue magnifique aussi bien vers le sommet de la vallée que vers le fond de vallée, et sur les villages accrochés au versant ouest, opposé à notre montée. Nous prenons notre repas au pied d'un chorten, reliques d'un saint et redescendons par le versant opposé, en suivant les villages. Dans chacun l'école est désaffectée car la politique de l'éducation a changé en Chine : la fermeture des écoles de villages a été décidée pour faire place, dans les chefs lieux, à d'énormes cités scolaires, du CP au Bac. En conséquence les familles ont plus de mal à envoyer les enfants à l'école (frais de scolarité plus lourds, internat, éloignement) et certains enfants ne veulent pas partir si loin de la famille. Quelle tristesse de voir toutes ces écoles fermées, portails cadenassés, et salles sens dessus dessous, bureaux empilés, chaises renversées, placards vidés.
C'est la grosse chaleur, l'heure de la pause, dans chaque village, des groupes se tiennent à l'ombre d'un portique, parfois devant la petite épicerie, souvent des groupes de femmes. Au passage elles nous arrêtent et nous proposent de nous asseoir avec elles. Elles nous questionnent sur notre origine, notre séjour …
Plus bas, devant un chorten, nous entendons chanter. Toute une assemblée est réunie derrière l'édifice et psalmodie des cantiques, les femmes d'un côté, les hommes de l'autre. On nous invite à nous asseoir, chacun dans son groupe. Une tasse est placée devant chacun. A la fin de la psalmodie le thé est servi, (thé tibétain, au lait de yack et beurre rance salé), par chance le beurre n'est pas trop rance. Puis vient la tsampa : farine d'orge que chacun a apporté dans un petit sac individuel. On en prend une lampée dans la bouche et on boit vite une gorgée de thé pour ne pas s'étouffer! Après on met 2 ou 3 cuillères de poudre dans sa tasse, 3 gouttes de thé et on malaxe avec ses doigts pour obtenir une boule de pâte que l'on mange par petites boulettes, tout en buvant le thé. Les tasses sont souvent en noyer tourné et décoré.
Nous apprenons en parlant chinois, (il n'est pas question d'anglais), car tous parlent le dialecte tibétain de cette vallée et certains ne connaissent même pas le chinois) que cette assemblée de prière se tient 3 fois par mois, avec un représentant par famille. Nous nous échappons un peu à regret avant le début de la prière suivante.
Dans cette vallée nous n'avons pas rencontré une seule personne qui ne nous ait proposé de venir manger à la maison !
A la fin de la journée nous nous baignons dans des sources chaudes au bord d'un affluent du Yangzé. Au retour, en franchissant à pied le pont qui enjambe le Yangzé, limite de province avec le Sichuan, la police contrôle nos identités. Estelle est bien connue ici, pour moi, j'ai heureusement mon passeport sur moi. Il m'est demandé puis restitué après contrôle sur ordinateur. Comme il se fait tard, nous allons manger au restaurant et regagnons le hameau de Bairen pour nous coucher à 20h, bien fatigués.
La cuisine d’Estelle - La montée au temple Le hameau de Bairen vu du temple - La maison façade sud Entretien quotidien du temple - Tanka dans le temple Portage - Villages de haute montage Chorten - Réunion de prière La maison face Est - La maison vue arrière, murs en pisé banché Lien :
Voir, Mon journal de voyage en Chine (6)