Episode 2: Le Désert de Taklamakan (塔克拉玛干), Hetian et de Hetian (和田)à Kasghar(喀什市). Karakorum shan.
De tout temps, le désert de Taklamakan a été la terreur des caravanes qui parcouraient la route de la soie. Cet immense désert qui sépare les massifs du Tian Shan
(天山) au nord de celui des Kunlun Shan
(昆仑山) au sud est particulièrement hostile. La chaleur suffocante en été, les vents de sable sont redoutables. De tout cela on peut parler maintenant en partie au passé car le pétrole a jailli dans ce territoire délaissé et maudit et les enjeux ont amené une infrastructure.
On me l'avait dit et c'est pourquoi de tôt matin le samedi 12 je me précipite à la gare routière pour acheter un passage de Kuqa à Hetian. Mon but est le marché du dimanche à Hetian. Pas de problème, je trouve une place dans un bus qui en 6 heures va couvrir les 430 km qui nord/sud séparent Aksu de Hetian. Ce sera une traversée sans histoire par cette nouvelle route goudronnée. Pas de vent donc pas de risque de sable. Car du sable, il n'y a que cela. De chétifs roseaux plantés sur 50 m des deux côtés de la route font un semblant de protection. Il paraît que la route est souvent coupée; c'est probable!
Seule précaution de sécurité, à l'embarquement on doit se faire enregistrer avec sa pièce d'identité. Ainsi tous les Ouighours du bus savent que je suis Français. Détail amusant, lors d'un stop en plein désert un jeune homme me montre un journal local d'écriture musulmane avec une grande photo de notre Président. Je n'ai rien compris aux explications mais c'était d'un ton très amical.
Moins amical est l'accueil que me réservent les hôtels à Hetian. Comme à Aksu des consignes ont été données au sujet des étrangers. Il est 21 heures quand je trouve enfin un hôtel sympathique qui m'accepte. Son nom aussi est sympa: Tian Yu Da Jiu Dian; l'hôtel du jade céleste. A 120 yuan la nuit, les deux nuits que j'y passerai seront des plus confortables.
Dimanche 13 septembre. Me voici donc là, tranquille, un dimanche matin pour flâner dans le marché dominical de Hetian
(和田). Quelle chance! De tous les marchés que j'aurai vus en Chine c'est un des plus surprenants et passionnants. Surprenant non seulement par sa foule bigarrée mais surtout par ses produits exotiques. C'est que Hetian est une des capitales du jade et de la soie. Dans le bazar de longues allées regorgent de tapis de soie. On se croirait dans le monde des mille et une nuits. La foule d'ailleurs fait plus penser aux marchés d'Anatolie qu'à ceux de l'Asie tropicale. Il y a quelque chose d'Aladin et sa lampe dans l'atmosphère. Plus loin ce sont les animaux: chèvres, vaches, bourricots. Et au milieu de tout cela les légumes, les fruits classiques des oasis, les boulangeries. On est vraiment au royaume des sensations.
Bus du Taklamakan - Scènes du marché dominical à HetianMais c'est ici surtout le royaume du Jade. Le jade on en trouve, on en voit partout, dans toutes les rues, les ruelles. Il n'y a pas d'Occidentaux mais certainement beaucoup de Négociants venus de toute la Chine. Le jade, les gamins en ont plein les mains, des centaines d'étals en sont remplis! On vous en propose de toutes parts. C'est envoûtant.
Hetian: Petite mosquée – La vente du jadeEn début d'après-midi, je m'arrache à ma flânerie car à quelques kilomètres on travaille la soie et je tiens à y jeter un coup d'œil. Un taxi à qui je l'explique a vite fait de m'emmener à quelques km dans un bon endroit où se trouvent des ateliers artisanaux.
Dans le premier, j'ai la chance de voir travailler la soie brute depuis le cocon que l'on ébouillante jusqu'au filage de la soie en quenouille. Dans le second des ouvrières s'affairent à tisser manuellement un tapis immense dont le cadre de travail pend d'un plafond à plus de 6 m du sol. Travail de fourmis; il faudrait me dit-on plus d'un mois pour réaliser un mètre carré. Je le crois volontiers tant c'est minutieux. Qui plus est, j'ai droit à un bon et large sourire de ces ouvrières habiles. Un bon moment hors du temps.
Le soir, les brochettes dans la rue sont un régal.
Hetian: Travail de la soie: le cocon - filage - tissage14 et 15 septembre: j'ai quitté avec regret Hetian. Les deux jours de bus qui vont me mener à l'ouest jusqu'à Kasghar
(喀什市) me font découvrir un désert aride parsemé de petites oasis; celles-ci sont arrosées par de petites rivières qui descendent du massif du Karakorum avant de se perdre dans le désert. L'étape à Karghilik
(叶城县) vaut la peine. J'y visite la mosquée du vendredi qui remonterait au 15 ème siècle. Visite également du bazar qui rappelle, mais en moins bien, celui de Hetian. Le mardi 15 vers 3 heures de l'après midi me voici à Kasghar. Je vais y rester 3 nuits au Chini Bagh hôtel. Ce n'est pas des plus modernes mais il abrite un bureau du CITS et pour une fois je vais utiliser une agence de voyage et je ne le regretterai pas.
Au CITS, l'hôtesse est charmante. Je souhaite aller sur la route du Pakistan qui traverse le massif du Karakorum. Elle me trouve ce qu'il faut pour le lendemain. Pour 200 yuans, j'ai droit à un magnifique reçu/descriptif rédigé sous mes yeux. On a le temps ici…
16 septembre: Le lac Karakul
(喀拉库勒湖). Ce mercredi matin, je suis impatient et curieux. Il fait un temps magnifique et je me retrouve avec 8 Chinois de Pékin dans un minibus. Ils n'ont pas trop l'habitude des "longs nez" en voyage mais la glace est vite brisée. Les questions pleuvent, j'y réponds comme je peux. Ce sera une charmante compagnie et une très belle journée. Direction plein sud, sud-ouest. Notre véhicule prend vite de l'altitude. Ma montre altimètre a du succès et il va falloir que je mitraille mes compagnons avec l'altimètre en plein visage: des souvenirs à montrer au bureau à Pékin!
Tourisme oblige: un petit stop à 2000 m dans une boutique des miracles à la chinoise. Toute la panoplie de la médecine traditionnelle en ce qui concerne la longévité et la puissance: Ginseng sous toutes ses formes, cornes de cerfs en petites rondelles, herbes "fontaine de jouvence" etc. Voilà des marchés fructueux mais bien onéreux pour les clients qui s'agitent sous mes yeux. J'en suis tout ébahi.
Nous continuons à monter pour atteindre en mi-journée, à 3300m, le site du Lac Karakul
(喀拉库勒湖). Un lac glaciaire d'un bleu azur, encastré dans la chaîne du Karakorum. Que l'on imagine: nous sommes à 3300 m et deux pics nous entourent nord/sud: le Kongur- Shan à 7715 m et le Muztagata à 7500 m. Un paysage fabuleux, un décor fantastique. Une yourte Mongole plantée au bord du lac vient le compléter. C'est encore un autre bout du monde. J'en garde un souvenir ému ; je n'oublierai pas.
La gare routière internationale - Lac Karakul 1 et 2 - Le tombeau d'Abakh Hoja17 septembre. Kasghar
(喀什市) c'est un lieu mythique, point de jonction des deux routes de la soie après leur traversée du désert de Taklamakan. C'est un endroit que le passage des caravanes a depuis des millénaires rendu riche et célèbre. C'est aussi une position stratégique au cœur de l'Asie centrale. Fin du monde Chinois, c'est le point de rencontre de 5 pays: Chine, Pakistan, Afghanistan, Tadjikistan et Kirghistan. Les Occidentaux conscients de cette importance y avaient établi de nombreux consulats et on y jouait des politiques d'influence.
Pékin a naturellement fortement développé sa présence en ce noeud stratégique. S'en est suivi un développement important des populations Han et des immeubles "Modern Style". La vieille ville historique est perdue dans tout cet élan de modernité. Hetian, à mon avis, présente bien plus de charme et d'authenticité. Je n'ai pas eu la chance de participer au marché du dimanche si réputé touristiquement. Par contre, hormis la vieille ville et son bazar, on y trouve de très beaux sites religieux. Je citerai en particulier le Tombeau d'Abakh Hoja. Dans un très beau jardin reposent cet ancien gouverneur de Kasghar et Xiang Fei (Concubine parfumée) une des petites filles et concubine de l'Empereur Qianlong. Encore un lieu où il fait bon flâner et rêver; je ne m'en prive pas. Pour clore le séjour, quelques emplettes au Bazar dont quelques fameux canifs Ouïgours.
J'en ai toujours un en randonnée!
Dominique Renaut
A venir: 22: La route de la soie: septembre 2009. Episode 3(fin): retour vers l'est: Dunhuang (敦煌) et Jiayuguan (嘉峪关). Un atterrissage acrobatique dans une tempête de sable.A voir La Chine sac au dos (20) Au Xinjiang (新疆), septembre 2009. Episode 1